Les sciences humaines et sociales (SHS) peuvent-elles être génératrices d’innovations ? Selon le Manuel de Frascati, manuel international qui fait référence en matière d’évaluation des activités de recherche et de développement (R&D), les SHS produisent des innovations au même titre que les sciences exactes, les sciences naturelles, et les sciences de l’ingénieur (SENI). Depuis les années 1970, l’OCDE1 reconnait les SHS comme vecteurs de développement et de croissance économique pour les pays qui les soutiennent. Cette prise de conscience de l’importance des SHS au sein de la R&D a ainsi nourri des réflexions , faisant du champ social une opportunité d’investissement et de croissance pour les entreprises désireuses de s’engager sociétalement.
Une prise en compte progressive du rôle des sciences humaines et sociales dans la recherche et le développement par l’OCDE
Le Manuel de Frascati est un manuel publié par l’OCDE depuis les années 1960. Il est le référent méthodologique en matière de définition, d’estimation et d’évaluation des activités de recherche et de développement (R&D) menées par les pays membres de l’organisation. À titre d’exemple, en France, le crédit d’impôt recherche (CIR) repose sur les champs de R&D identifiés par le manuel de Frascati, et intègre donc les SHS.
La première version, publiée en 1963, avait pour objectif de résoudre les problèmes techniques posés par la mesure de la R&D.2 Elle ne comprenait cependant que les sciences exactes, les sciences naturelles, et les sciences de l’ingénieur (SENI) dans son approche de la R&D.
La troisième version de ce manuel publié en 1976 introduit une révolution en la matière. Elle a fait entrer formellement les SHS dans le champ de la R&D. Cela se traduit notamment par la création d’un nouvel « objectif socio-économique » pour la R&D portant sur les structures et les relations sociales. Cette révision est révélatrice d’une nouvelle perception des SHS, identifiées dorénavant comme des outils importants pour contribuer au développement et à la croissance économiques.
La poursuite de la reconnaissance de la part des SHS dans les activités de R-D : apports et difficultés
La sixième version du Manuel de Frascati, publiée en 2002, signe de nouvelles avancées dans la prise en compte des SHS. Ces dernières sont intégrées directement dans la définition même de la recherche et du développement qui englobe « les travaux de création entrepris de façon systématique en vue d’accroître la somme des connaissances, y compris la connaissance de l’homme, de la culture et de la société […] »3 Cette nouvelle version introduit également des critères destinés à l’identification de la part de R&D dans les SHS. Celles qui contribuent à à une activité de R&D doivent :
- produire un « élément de nouveauté non négligeable » ;
- permettre « la dissipation d’une incertitude scientifique et/ou technologique ».
Le Manuel rend toutefois compte d’une difficulté. Du fait de la nature même des SHS, qui par définition sont plus diffuses que les SENI, l’intégration des SHS soulève de nouveaux enjeux de mesure de l’impact de la R-D.4 Ainsi, le manuel précise que bien que certaines méthodologies soient élaborées pour évaluer l’impact de la R-D dans les SHS, une marge de tolérance sera acceptée dans l’application de ces méthodologies. 5 Cette marge de tolérance est justifiée par le fait que les SHS ne sont pas considérées de la même manière par les différents pays membres de l’OCDE. Tandis que certains considèrent que les méthodes préalablement proscrites par le Manuel peuvent correspondre à la fois aux SENI et aux SHS, d’autres considèrent que l’intégration des SHS à l’évaluation des pratiques de R-D requiert des méthodologies distinctes.6 A titre d’exemple, certains pays considèrent que le recueil des données de la R&D par le biais des enquêtes est une méthode type qui correspond autant aux activités de R&D en SENI qu’en SHS indépendamment du secteur étudié.
La septième et dernière version du Manuel, publiée en 2015, achève cette incorporation des SHS dans la R-D. Le manuel rappelle qu’il est « indispensable de disposer d’une base de connaissances solide pour comprendre comment la création et la diffusion du savoir contribuent à la croissance économique et au bien-être social. »7 Dans le cadre de la version de 2015, cinq critères sont présentés pour qu’une activité de SHS relève de la R&D. Elle doit :
- comporter un élément de nouveauté
- comporter un élément de créativité
- répondre à un élément d’incertitude
- être systématique
- être transférable et/ou reproductible
Le critère de nouveauté est le critère le plus fondamental dans l’appréciation du rôle des SHS dans la R&D, dans la mesure où il est attendu des SHS qu’elles proposent de nouvelles techniques et de nouvelles théories pour pouvoir être qualifiées d’activités de R&D. Une activité de SHS se fondant uniquement sur des théories déjà éprouvées ne sera pas comptabilisée comme relevant de la R&D. Pour que ce soit le cas, cette activité devra donc apporter un élément de nouveauté par rapport au savoir existant.
L’évolution de l’appréciation de l’impact des SHS dans la R&D par l’OCDE ouvre donc un champ d’opportunités et de perspectives considérable pour les entreprises. Investir dans les SHS permet de générer de nombreux résultats innovants et contribue à l’élaboration de stratégie de développement robuste à long terme. La mobilisation des SHS permet de mieux comprendre les enjeux sociétaux, humains et politiques que l’entreprise pourra affronter à l’avenir et de préparer l’émergence d’un futur désirable de l’entreprise et de son secteur d’activités et.
Chez SELDON Conseil, nous œuvrons pour une meilleure intégration des SHS au sein de la R&D et des stratégies d’entreprises
Le besoin en SHS est par ailleurs devenu d’autant plus accru au rythme des crises multiples (sociales, sanitaires, économiques, sécuritaires…) qui renforcent l’incertitude des décideurs et la complexité socio-économique, rendant nécessaire l’investissement dans les SHS pour les entreprises. Chez SELDON Conseil, nous accompagnons les entreprises désireuses de développer leurs engagements sociaux, politiques et humains par le regard des SHS.
Nous sommes convaincus que chaque projet de R&D dispose de composantes sociales, politiques et humaines qu’il est indispensable d’identifier, de comprendre et d’analyser pour maximiser les chances de réussite du projet. Les projets techniques requièrent donc la mobilisation des SHS pour saisir toute la complexité de la réalité sociale et l’écosystème des acteurs dans lequel un projet s’insère. SELDON Conseil s’appuie ainsi sur un ensemble d’outils méthodologiques propres au SHS pour accompagner les organisations dans le développement de leurs projets. Parmi ces outils, les états de l’art, les enquêtes qualitatives comme quantitatives, et la prospective permettent aux décideurs d’être éclairés concernant les enjeux sociaux auxquels leurs entreprises sont confrontées. Notre approche permet notamment de dépasser une évaluation uniquement basée sur la maturité technologique pour le concevoir dans une appréhension plus large fait raisonner la maturité technologique, écosystémique et sociétale d’un projet donné. Elle s’inscrit ainsi dans cette démarche plus générale d’élargissement de la R&D aux enjeux humains que met en évidence le manuel de Frascati.
SELDON Conseil propose également des travaux susceptibles de contribuer à renforcer l’acceptabilité sociale des projets techniques. L’acceptabilité sociale d’un projet se mesure par son degré d’intégration au sein du tissu local, ainsi que par le degré de consentement de la population locale à son développement. Pour qu’un projet technique puisse être mené à bien, il doit susciter l’adhésion. Pour assurer la pérennité d’une activité, il est donc indispensable pour une entreprise de saisir l’écosystème, d’identifier les parties prenantes, et d’analyser les controverses et les perceptions générés par un projet. Le recours aux SHS et aux outils d’analyse sociale est alors une nécessité qui permet de dissiper une partie des incertitudes liées au développement du projet. L’objectif de cette approche par les SHS est de favoriser l’intégration sociale des projets portés par les entreprises et d’augmenter leur résilience.
Les SHS sont également pensées par SELDON Conseil comme étant le vecteur d’innovations. Les innovations sociales sont définies par le Conseil supérieur de l’économie sociale et solidaire (CSESS) comme étant « des réponses nouvelles à des besoins sociaux nouveaux ou mal satisfaits dans les conditions actuelles du marché et des politiques sociales ». En cela, les innovations sociales sont directement en lien avec les activités de R&D, car elles sont nourries par une nouveauté dans l’approche d’une problématique sociale. SELDON Conseil accompagne les décideurs, qu’ils soient publics ou privés, à penser autrement les enjeux sociaux auxquels ils sont confrontés pour adapter leur stratégie ou leur politique et proposer des réponses innovantes en termes de produits, de services ou de politiques.
Fort de son expertise sociale et de son statut de société à mission, SELDON Conseil s’engage pour la visibilité et la reconnaissance de la pertinence des SHS dans la compréhension des enjeux sociaux et l’aide à la décision.